“En 1977, ado, je vivais dans un quartier jamaïcain de Londres. J’y ai approfondi mon goût pour le reggae et je suis allé voir Marley jouer au Rainbow au mois de juin, un concert impressionnant. Je l’ai rencontré deux fois et je suis devenu spécialiste du reggae en France.” Rencontre avec Bruno Blum, un artiste engagé dont la notoriété dépasse aujourd’hui les frontières de ce mouvement musical.



Les médias le considèrent comme l’un des meilleurs “connaisseurs” en matière de reggae en France. Et pour cause, Bruno Blum, dit Doc Reggae pour les fans, est l’auteur d’une œuvre remarquable sur ce mouvement musical que l’on associe culturellement aux Caraïbes et surtout à l’artiste culte Bob Marley.
“J’ai publié plusieurs livres sur lui et j’ai fait revivre la marque américaine de disques JAD, qui était propriétaire de six ans d’enregistrements de Bob Marley d’avant le succès international. J’ai pu sortir dans plusieurs pays, et de façon légale, 240 titres de Bob Marley & the Wailers de 1967 à 1972, dont bien la moitié d’inédits ou complètement rarissimes.”
“Une notoriété internationale”
“En 1996, j’ai enregistré avec ses musiciens une reprise de War et une version française Guerre, ainsi qu’une version par l’auteur des paroles, dont la voix avait été enregistrée aux Nations Unies avec Haïlé Sélassié Ier, empereur d’Éthiopie. J’ai aussi gravé Avis aux amateurs et Dollar reggae avec les Wailers.”
De collaborations avec les Wailers en remix des albums reggae de Serge Gainsbourg, Bruno Blum compte à ce jour un nombre incalculable d’albums, livres, dessins, photos, scénarios, réalisations, productions et conférences sur ce thème qui, selon France Culture, “lui assurent une notoriété internationale”.
Car au-delà des Wailers, il y a encore “Bo Diddley, les Rolling Stones, The Clash, les musiciens de Fela Kuti, avec qui j’ai enregistré un album d’afrobeat, The Asmara All-Stars que j’ai produits en Érythrée et bien d’autres. J’ai aussi été très marqué par d’autres musiciens avec qui je n’ai pas collaboré, forcément…”
“Lutter contre l’antisémitisme, le racisme, le sexisme… la bêtise”
Le reggae n’est en effet pas le seul terrain de prédilection de l’artiste. Il y a aussi beaucoup de rock, de l’engagement politique en faveur de la nature et des animaux, un penchant certain pour les voyages, la mise en valeur d’autres cultures ou encore la cause de la petite enfance… Bruno Blum est sur tous les fronts.
“Je suis un militant pour le respect des animaux et contre toute forme de violence à leur égard : fourrure, cuir, chasse, alimentation, etc. J’ai publié quatre livres sur ce sujet et enregistré l’album conceptuel Cabaret Végane avec des musiciens véganes”, explique-t-il.
“Mes fréquentations jamaïcaines et ma sensibilité m’ont incité à lutter contre l’antisémitisme, le racisme, le sexisme, le spécisme, la violence et la bêtise à travers mes chansons, mes livres, mes BD et mes rééditions historiographiques en tant que musicologue chez Frémeaux et Associés… Ça me semble être un minimum.”
Des collaborations parfois inattendues
Bruno Blum, qui a sorti cette année Le cœur à gauche, le fric à droite, son onzième album, est encore connu pour des collaborations parfois inattendues. Comme sa rencontre avec l’actrice et chanteuse Annabelle Mouloudji, fille du célèbre artiste du même nom, que le grand public avait découvert à la fin des années 1980.
“Annabelle a un sens formidable de la mélodie, une spontanéité à fleur de peau. C’est une grande artiste. Elle a aussi participé à plusieurs de mes chansons, dont une version de La Martiniquaise et trois de Should I Stay or Should I Go des Clash, très autobiographique ! Notre version française en reggae et en duo Si je reste, tiré de l’album Nuage d’Éthiopie, passe sur FIP depuis des années.”
Bruno Blum & Annabelle Mouloudji :
“Pour moi, c’est de l’or !”
“Je suis instantanément tombé amoureux d’Annabelle, période mannequin et vedette de la chanson quand je l’ai rencontrée à un mariage place Saint-Sulpice en 1988. Nous sommes allés à la Fête de la Musique ensemble, puis voir Caetano Veloso à l’Olympia, c’était chaud mais elle a refusé que je l’embrasse dans la voiture !
Nous nous sommes revus par la suite et je lui ai proposé les paroles de “La Bombe glacée” en 1998. Sa personnalité, qu’elle m’a décrite plus tard comme timide, lui donne parfois un aspect glacial et j’ai écrit ça pour elle. La blonde glacée, la bombe glacée. Ça lui allait bien. On s’est rapprochés et on a commencé une relation fructueuse qui a donné une dizaine de chansons.
La regarder chanter mes paroles en studio avec tout son cœur est un des meilleurs souvenirs de ma vie. Elle est une formidable chanteuse, très sensible, à la technique impeccable, qui lui permet d’exprimer les ornementations qui lui passent par la tête. Je lui ai même fait improviser du scat sur “Si je reste”, elle a été géniale.
Elle m’a beaucoup ouvert au jazz, qu’elle a interprété des années dans les clubs parisiens. J’ai été bouleversé en la dévorant des yeux chanter “L’argent n’a pas d’odeur” dans un studio des Halles. Je lui avais trouvé des musiciens de jazz et on a pu graver ces titres avec pour seul fil conducteur notre sensibilité, sans interférence commerciale quelle qu’elle soit. Pour moi, c’est de l’or.”
© Vivien Brochud