Au rayon des légendes maritimes, nous nous intéressons aujourd’hui à ces entités qui auraient le pouvoir de régner sur les mers, commandant à l’envi les tempêtes ou le beau temps et engloutissant dans leurs flots les navires les plus puissants. Une légende racontée par Jean D’Allinges dans Légendes de la mer aux imprimeries Pacteau de Luçon.
L’Olympe, situé selon la légende aux confins de la Thessalie et de la Macédoine, était le lieu de séjour des dieux et des déesses. Ils vivaient là dans des palais dorés, cachés des humains par un nuage couronnant la haute cime sur laquelle s’élevaient leurs demeures.
Ils jouissaient d’un parfait bonheur, se nourrissant de nectar et d’ambroisie, et étaient servis par les Charites, vierges couronnées de roses et scandant sur les pelouses des danses légères. Les muses, aux bras blancs, chantaient des chants suaves en s’accompagnant de la lyre.
Mais, si agréable que fût ce séjour des dieux dans ces palais merveilleux, il leur fallait se rendre souvent sur la Terre pour exercer leur pouvoir, car chacun d’eux avait une mission à accomplir. Diane régnait sur les forêts et les bois, Mars dirigeait les combats, Cérès surveillait les moissons, Pluton régnait sur les enfers, Vesta était la déesse du foyer et Neptune avait la maîtrise des mers et des océans.
Celui-ci, frère de Jupiter, était violent, impétueux, et un jour s’était pris de querelle avec Minerve, que les Grecs appelaient Athéna.
Cécrops, roi de l’Attique, avait construit une grande cité non loin de la mer et avait demandé à Neptune et à Minerve de lui choisir un nom. L’un et l’autre se disputant l’honneur d’être le parrain de la nouvelle ville, on décida que celui des deux qui ferait aux mortels le don le plus précieux, donnerait son nom à la cité.
Neptune pris alors son strident et, de toute sa force, l’enfonça dans la terre. Aussitôt en sortit un cheval, emblème de la guerre. À son tour Minerve, s’emparant de sa lance, exécuta le même geste et fit sortir de terre un rameau d’olivier, emblème de la paix. Les dieux décidèrent, d’un commun accord, en faveur de Minerve, jugeant en effet que la paix était le meilleur don que l’on puisse faire aux mortels. C’est ainsi que la ville prit le nom d’Athènes, s’inspirant du nom grec de la déesse, Athéna.
Neptune, dépité, regagna son empire. Debout sur une conque marine tirée par des chevaux marins, il parcourut les mers, escorté de tritons et armé de son trident.
D’après la légende, il avait fait construire un immense palais au fond des mers, où il aimait séjourner quand il n’habitait pas l’Olympe. On a pas de peine à se représenter dans les eaux glauques, éclairée par d’étranges lueurs, une fastueuse demeure faite d’or, de corail et de porphyre, où évoluaient des tritons musclés et de gracieuses sirènes. Là, dans le calme des profondeurs, traversées par les courants marins agitant des massifs d’algues multicolores en de gracieuses ondulations, il régnait sur son vaste empire.
Pourtant un jour, il décida de chercher une épouse, c’est pourquoi il navigua sur les mers et les océans. Debout sur son char, il inspectait les grèves où d’habitude s’ébattaient les naïades, les sirènes et les nymphes.
Il avait déjà parcouru de nombreux milles marins, pénétré dans les criques et les baies tranquilles, longé les plages au sable doré, scruté les rochers déchiquetés par les tempêtes et n’avait assisté, jusque-là, qu’aux ébats des oiseaux de mer évoluant sur les grèves désertes ou des dauphins agiles plongeant dans les lames. Allait-il échouer dans ses recherches ? Comme, lassé de cette vaine poursuite vers un bonheur qui semblait le fuir, il allait aborder l’île de Napos, il aperçut une nymphe ravissante se baignant avec ses compagnes non loin du rivage. Il comprit que les dieux l’avaient conduit vers cette île pour accomplir son destin et se dirigea vers celle qu’il considérait déjà comme son épouse. Mais celle-ci, effrayée, sans doute, par l’aspect redoutable de ce dieu puissant, prit peur et, plongeant, s’enfuit sous les eaux. Neptune commanda alors à un de ses dauphins d’aller cherche la fugitive. Le dauphin plongea à son tour et ramena bientôt, sur son dos, la belle Amphitrite.
À compter de ce jour la déesse, fille d’Océan et de Thétis, assise sur son char traîné par des chevaux marins et des dauphins et escortée par des naïades et des tritons, s’élança, comme son époux, sur les mers et les océans, son nouvel empire.
De vieux marins vous diront que Neptune et Amphitrite règnent encore et commandent les eaux calmes et les cyclones. Suivant leur humeur, en effet, ils peuvent, de concert avec Éole, déchaîner les plus effroyables tempêtes qui dévastent les rivages et anéantissent les flottes les plus puissantes, ou encore rendre les flots aussi calmes que les lacs.