Il est le plus cubain des poètes français. José-Maria de Heredia, considéré comme l’un des maîtres du mouvement parnassien durant la seconde moitié du XIXe siècle, est l’auteur d’un seul recueil au combien retentissant, Les Trophées, publié en 1893. L’auteur nous y expose sa version de l’histoire du monde à coups de sonnets emprunts de calme et de volupté. Le Récif de corail en est extrait.

Le Récif de corail

Le soleil sous la mer, mystérieuse aurore,
Éclaire la forêt des coraux abyssins
Qui mêle, aux profondeurs de ses tièdes bassins,
La bête épanouie et la vivante flore.

Et tout ce que le sel ou l’iode colore,
Mousse, algue chevelue, anémones, oursins,
Couvre de pourpre sombre, en somptueux dessins,
Le fond vermiculé du pâle madrépore.

De sa splendide écaille éteignant les émaux,
Un grand poisson navigue à travers les rameaux ;
Dans l’ombre transparente indolemment il rôde ;

Et, brusquement, d’un coup de sa nageoire en feu,
Il fait, par le cristal morne, immobile et bleu,
Courir un frisson d’or, de nacre et d’émeraude.

José-Maria de Heredia (1842, Cuba – 1905, France)
Les Trophées, éditions Alphonse Lemerre, 1893 (page 130).