Le dimanche 15 mars, la maman de l’un de nos collaborateurs dépouillait les votes dans une mairie de Haute-Savoie. Elle est aujourd’hui confinée dans un état grave, avec fièvre et poumons infectés par le coronavirus, plongeant dans l’angoisse ses proches, ses collègues, sa famille. Deux questions se posent désormais : fallait-il maintenir le premier tour des élections municipales dans un contexte sanitaire aussi grave et quelle est la légitimité de ce scrutin ?
“Nous sommes tous malades. Tous ceux qui ont participé aux élections. Ça représente une dizaine de personnes du conseil municipal qui sont infectées. On est tous confinés”, annonce le maire par intérim de Saint-Brice-Courcelles, dans la Marne.
Un peu partout en France, des voix s’élèvent sur les conséquences du maintien du premier tour des élections municipales alors que le pays affronte l’une des plus graves crises sanitaires depuis plus d’un siècle : la pandémie de coronavirus.
Ces maires qui ont succombé au coronavirus
Car pour de nombreux personnels municipaux, les premiers symptômes du Covid-19 sont apparus une semaine après le dépouillement des votes. Et dans certains cas, l’issue est plus que dramatique.
Plusieurs maires sont ainsi décédés des suites du coronavirus ces derniers jours, parmi lesquels Alain Lescouët, 74 ans, à Saint-Brice-Courcelles justement, François Lantz, 74 ans, à Saint-Nabor en Alsace, ou Jacques Lajeanne à Beurey-Bauguay, en Côte-d’Or.
“Restez chez vous ! Allez votez !”
“Restez chez vous ! Allez votez !” A la veille du premier tour des municipales, le discours de l’exécutif sous couvert de “conseils scientifiques” est pour le moins contradictoire, voire absurde quand on sait déjà que le second tour devra forcément être reporté.
Le dimanche 15 mars, des milliers de personnes se pressent ainsi dans les bureaux de vote et déferlent dans les rues, dans les parcs. Les autorités dénoncent alors l’inconscience des Français, mais ce sont pourtant bien elles qui les ont poussés dehors.
Une abstention record
Avec 56% d’abstention, un record, les résultats de ces élections sont quant à eux pour le moins discutables. Mais ceux que cela arrange les trouvent tout à fait légitimes, quitte à ne plus être très constitutionnels.
“Il faut conserver le résultat du premier tour et changer la loi électorale pour décaler le second”, plaide ainsi l’écologiste Yannick Jadot au lendemain du premier tour, quand les débats télévisés sont préoccupés par un tout autre sujet : le Covid-19.
La “sincérité” du scrutin remise en cause
Alors que la France tremble devant l’émancipation de l’épidémie, le fonctionnement des mairies apparaît surréaliste. Les maires élus au premier tour peuvent gouverner. Pour les autres, eh bien, on verra plus tard…
“Si vous déconnectez les deux tours, vous remettez en cause la sincérité du scrutin”, explique le constitutionnaliste et professeur de droit Jean-Philippe Derosier dans une interview au Parisien.
Vers l’annulation des résultats du premier tour
Dès lors, les recours devant les tribunaux administratifs pour réclamer l’annulation des résultats du premier tour s’accumulent. Scrutin “insincère”, “mascarade”, “impossibilité de certains électeurs de se rendre aux urnes”… Dans la presse, les griefs vont bon train.
“Nous demandons l’annulation des résultats de ce scrutin afin de permettre aux citoyens de se prononcer lors d’un nouveau scrutin dans des conditions de sûreté sanitaire et donc de sérénité nécessaires à toute expression démocratique”, déclare entre autres l’équipe sortante de la mairie de Blainville-sur-Orne, dans le Calvados.
Recours et plaintes contre l’Etat
“Aujourd’hui, on tire juste un constat. Dix jours plus tard, la moitié de l’équipe municipale est impactée, directement ou indirectement. La démocratie n’a pas de prix, comme le dit l’expression, mais aujourd’hui elle a un véritable coût sanitaire”, explique de son côté le cabinet de la mairie de Coudekerque-Branche, dans le Nord.
En maintenant le premier tour des municipales sous la pression des oppositions, l’Etat a-t-il commis une erreur sanitaire et démocratique ? A priori oui, au vu des nombreuses plaintes pour “mise en danger d’autrui” qui se multiplient depuis contre l’exécutif.
Le poids des oppositions
Au départ, le président Macron était pourtant favorable au report du premier tour. “Les responsables politiques de l’opposition ont dit : c’est une atteinte à la démocratie, on veut nous empêcher de tenir les élections, c’est scandaleux, on se prononcera contre publiquement”, explique François Bayrou.
Annuler le scrutin ? “C’est ce qu’il aurait fallu faire pour des raisons sanitaires, pour des raisons psychologiques. On ne peut pas à la fois fermer les bars et les restaurants, demander aux gens de ne pas sortir de chez eux et puis maintenir cette organisation”, renchérit le président du MoDem.