Direction la Mer de Bretagne, du Raz jusqu’à Penmarc’h, où à travers la tempête errent les goëlands. C’est là, face aux lames qui empanachent au loin les récifs ruisselants, que le Franco-espagnol José Maria de Heredia laisse voguer, en toute pudeur, ses pensées. Issu de son unique et incontournable recueil Les Trophées, Mer Montante est un poème extrait de La Nature et le rêve, cinquième partie de cet ouvrage parnassien qui revendique l’art pour l’art et l’impersonnalité.
Mer montante
Le soleil semble un phare à feux fixes et blancs.
Du Raz jusqu’à Penmarc’h la côte entière fume,
Et seuls, contre le vent qui rebrousse leur plume,
A travers la tempête errent les goëlands.
L’une après l’autre, avec de furieux élans,
Les lames glauques sous leur crinière d’écume,
Dans un tonnerre sourd s’éparpillant en brume,
Empanachent au loin les récifs ruisselants.
Et j’ai laissé courir le flot de ma pensée,
Rêves, espoirs, regrets de force dépensée,
Sans qu’il en reste rien qu’un souvenir amer.
L’Océan m’a parlé d’une voix fraternelle,
Car la même clameur que pousse encor la mer
Monte de l’homme aux Dieux, vainement éternelle.
José Maria de Heredia (1842-1905)
Extrait du recueil Les Trophées (1893)