Mis en musique à de multiples reprises par Georges Brassens, Paul Fort est un auteur à l’œuvre poétique prolifique rassemblée en 40 volumes dans les Ballades françaises (1896-1958), dont est extrait La mer a pris tous les marins. Le poète rémois, proche de Guillaume Apollinaire et Paul Valéry, est célèbre pour avoir donné au quartier parisien du Montparnasse sa renommée artistique. En 1912, il est élu “prince des poètes” par les journaux de l’époque, succédant ainsi à Verlaine, Mallarmé et Léon Dierx.

Paul Fort Ballades françaises

La mer a pris tous les marins

Paul Fort Amour Marin

La mer a pris tous les marins
Toutes les filles sont sur la plage
Et les mouchoirs volent aux mains
Les voiles vont comme en courant.

La mer se gonfle comme un sein
Et montre aux filles sur la plage
Les veines bleues de ses courants
Sous la dentelle des sillages.

Ô mer jolie, seras-tu sage ?
“Adieu”, répondent les marins
Toutes les filles sont sur la plage
La terre s’en va comme en courant.

“Adieu” vient répéter le vent
À toutes les filles sur la plage
La mer se gonfle comme un sein
Un courant va rire au rivage.

La peine gonfle les seins
Les filles courent sur la plage
Et les mouchoirs volent aux mains
La mer a pris tous les marins.

Paul Fort (1872-1960)
Extrait des Ballades françaises (1896-1958)


Georges Brassens : L’enterrement de Paul Fort

En 1961, Georges Brassens compose un poème en hommage à son ami : L’Enterrement de Paul Fort, publié dans un super 45 tours comprenant sept titres. L’opus fait référence de manière plutôt élogieuse à un autre poème de Fort repris par Brassens en 1955 : L’Enterrement de Verlaine.

L’enterrement de Paul Fort

Brassens hommage Paul FortTous les oiseaux étaient dehors
Et toutes les plantes aussi.
Le petit cheval n’est pas mort
Dans le mauvais temps, Dieu merci.
Le bon soleil criait si fort :
Il fait beau, qu’on était ravis.
Moi, l’enterrement de Paul Fort,
Fut le plus beau jour de ma vie.

On comptait bien quelques pécores,
Quelques dindes à Montlhéry,
Quelques méchants, que sais-je encore :
Des moches, des mauvais esprits,
Mais qu’importe ? Après tout ; les morts
Sont à tout le monde. Tant pis,
Moi, l’enterrement de Paul Fort,
Fut le plus beau jours de ma vie.

Le curé allait un peu fort
De Requiem à mon avis.
Longuement penché sur le corps,
Il tirait l’âme à son profit,
Comme s’il fallait un passeport
Aux poètes pour le paradis.
S’il fallait à Dieu du renfort
Pour reconnaître ses amis.

Tous derrière en gardes du corps
Et lui devant, on a suivi.
Le petit cheval n’est pas mort
Comme un chien je le certifie.
Tous les oiseaux étaient dehors
Et toutes les plantes aussi.
Moi, l’enterrement de Paul Fort,
Fut le plus beau jour de ma vie.

Georges Brassens (1921-1981)
L’Enterrement de Paul Fort (1961)