Arrêtée à la fin du mois de juin par les autorités italiennes après avoir accosté de force sur la petite île de Lampedusa, la capitaine Carola Rackete fait depuis la Une des médias, s’attirant la foudre des uns comme l’admiration des autres. Portrait d’une femme courageuse, excédée d’avoir été abandonnée en mer avec, entre ses mains, la vie d’une quarantaine de migrants.
C’est une “criminelle”, une “pirate”, une “emmerdeuse” ! Sur Twitter, Matteo Salvini s’acharne contre Carola Rackete, la capitaine du Sea-Watch 3 qui vient d’accoster de force sur Lampedusa avec une quarantaine de migrants à son bord. Le ministre de l’Intérieur italien entraîne avec lui une horde de sympathisants bien décidés à réclamer la tête de celle qui a osé braver les autorités italiennes.
“Je reçois toutes sortes de menaces, des menaces physiques, des menaces de mort”, confie Carola Rackete à des sources jusqu’à présent tenues secrètes pour sa sécurité. Mais “je pense que l’on a fait tout ce qu’il fallait lors de cette mission. L’important, c’est que nous ayons sauvé ces personnes et les avoir ramenées en lieu sûr”, ajoute-t-elle.
Immigration en Europe : la politique de l’autruche
A Lampedusa, Carola Rackete est immédiatement arrêtée pour résistance à des officiers et aide à l’immigration clandestine. “Si c’était à refaire, je le referais”, affirme la capitaine âgée de 31 ans. “J’ai souffert du fait que les autorités européennes nous aient abandonnés”, confie-t-elle à L’Obs. Le Sea-Watch a demandé assistance à l’Allemagne, à la France… “Mais personne n’est jamais revenu vers nous.”
Si les autorités européennes exercent comme à l’accoutumée la politique de l’autruche en matière d’immigration, c’est l’opinion publique qui va faire basculer l’affaire en apportant massivement son soutien à la jeune capitaine. Les réseaux sociaux s’emballent, plus d’un million d’euros de dons sont récoltés et une manifestation de soutien rassemble plus de 30 000 personnes en Allemagne.
Cette femme est “dangereuse pour la sécurité nationale”
“L’Union européenne a décidé de ne rien faire. Ce n’est pas un accident si ces gens meurent. C’est une décision politique. Non seulement l’Union européenne regarde, mais elle soutient les garde-côtes libyens. C’est un drame”, accuse-t-elle. Le mardi 2 juillet, Carola Rackete est finalement relâchée par la justice italienne, un décret sur la sécurité n’étant “pas applicable aux actions de sauvetage”.
Matteo Salvini s’insurge ! Cette femme est “dangereuse pour la sécurité nationale”. “Elle retournera dans son Allemagne, où ils ne seraient pas aussi tolérants avec une Italienne si elle devait attenter à la vie de policiers allemands”, peste le patron de l’extrême-droite italienne. “Nous sommes différents des autres petits leaders européens qui pensent pouvoir encore nous traiter comme leur colonie…”
Dans les eaux troubles de la haine
“Dans le circuit de ces lions du clavier habitués aux insultes, c’est lui qui remue les eaux troubles de la haine”, commente l’un des avocats de Carola Rackete, qui annonce son intention de porter plainte pour diffamation contre le ministre de l’Intérieur. Celle que l’on surnommait déjà “Capitaine des migrants”, “Capitaine courage” ou “Notre Dame des migrants”, devient “Capitaine Europe”, le symbole d’un mal qui ronge tout un continent.
Née le 8 mai 1988 à Preetz, dans le nord de l’Allemagne, Carola Rackete présente une expérience hors norme pour son jeune âge. Diplômée en science nautique, elle décroche un Master en management environnemental en 2015 et va naviguer de l’Arctique à l’Antarctique pour mener à bien des expéditions scientifiques. Elle est engagée depuis 2016 dans des missions de secours en mer de personnes migrantes en Méditerranée.