Considéré comme l’un des maîtres du mouvement parnassien, l’écrivain franco-espagnol José Maria de Heredia publie en 1893 Les Trophées, dans lequel l’homme de lettres s’attache à retracer l’histoire de notre monde. C’est de son unique recueil que sont extraits Les Conquérants, ou conquistadores, ces aventuriers en partance pour le Nouveau Monde dont les voyages ne sont pas étrangers à son passé. Né à Santiago de Cuba et débarqué en France à l’âge de 9 ans, l’auteur retourne dans son pays natal en 1859 pour y approfondir son apprentissage de la langue et de la littérature espagnoles.
Les conquérants
Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos, de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.
Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde occidental.
Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ;
Où, penchés à l’avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles.
José Maria de Heredia (1842-1905)
Les conquérants, extrait du recueil Les Trophées (1893)