Septembre 2015. Jean Mercier, 87 ans, est jugé pour avoir aidé sa femme gravement malade à mourir. Dans le même temps, le docteur Bonnemaison est lui aussi traîné devant la justice pour avoir aidé des patients à partir dans la dignité. La liste de ces hors-la-loi est longue ! Celle des drames humains aussi. Car en France, chaque citoyen reste privé d’un droit vital : décider légalement de sa fin de vie. A l’heure ou le débat sur l’euthanasie secoue les plus grandes instances politiques françaises, nous avons rencontré Jean-Luc Romero, président de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité. Il vient de publier aux éditions Michalon Ma mort m’appartient : 100% des Français vont mourir, les politiques le savent-ils ?

Jean-Luc Romero Ma mort m'appartientBonjour M. Jean-Luc Romero. Avant tout, comment allez-vous ?

Jean-Luc Romero : Merci de vous inquiéter pour moi. Je vais très bien. Après un premier semestre militant très chargé, j’ai pu reprendre des forces. Je suis prêt pour la rentrée : regonflé à bloc… Plus personnellement, je fêterai mes deux ans de mariage avec Christophe, le 27 septembre. Je suis toujours si heureux que la France ait enfin voté le mariage pour tous et si heureux d’avoir pu enfin me marier !

Votre nouveau livre paraît au moment où le sujet brûlant de l’euthanasie fait débat de l’opinion publique jusqu’au Sénat. C’est un combat personnel ou collectif ?

Evidemment, lorsque l’on est atteint d’une maladie incurable, on pense forcément à soi. Dans quelles conditions vais-je quitter la vie, quelles sont les dégradations intellectuelles et physiques que je suis en capacité d’accepter et de supporter, quelles sont les limites que je souhaite me fixer, à partir de quel moment la vie ne sera pour moi que de la survie… Mais comment être sourd aux appels que nous recevons de nos amis, de notre famille, lorsqu’arrivés en fin de vie, ils demandent à être soulagés du fardeau de la douleur physique mais aussi de la souffrance morale ? J’ai connu les drames de ces jeunes vies prises par le sida dans les années quatre-vingt-dix et dont, en hommage, je parle longuement dans mon nouveau livre. J’entends encore les médecins refuser de prescrire de la morphine à des mourants au motif que cela risquerait d’abréger leur vie ! Aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg – nos voisins – où l’euthanasie est légalisée et en Suisse où le suicide assisté est accepté, on meurt mieux qu’en France. Pour la simple raison que la décision des personnes en fin de vie, des citoyens donc, est respectée. Il est temps qu’en France le patient retrouve tous ses droits, y compris celui de décider de ne plus vivre parce qu’il est arrivé au bout de son chemin. Alors oui, mon combat, à l’origine personnel, – j’en explique d’ailleurs longuement l’origine dans ce livre – est devenu un combat collectif, avec les 63 000 adhérents de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité, que je préside.

Puisque 100% d’entre nous sont ou seront confrontés un jour à la brutalité de la mort, comment expliquez-vous que la légalisation de l’euthanasie engendre une telle polémique ?

Comme je l’explique longuement dans Ma mort m’appartient – 100% des Français vont mourir, les politiques le savent-ils ?, notre pays reste très influencé par des courants très conservateurs, proches des milieux intégristes catholiques. Ils exercent un véritable lobbying au sein du Parlement, au sein du Gouvernement, et les associations laïques ou humanistes ne font pas assez le poids face à la puissance financière de ceux qui s’opposent aux changements de notre société. Voyez combien le débat sur le mariage pour tous a été violent, avec des arguments moyenâgeux ou pire, moralisateurs… Ne dit-on pas que la France est la fille aînée de l’Eglise ? Elle le prouve encore sur le sujet de la fin de vie. Il est temps que notre République atteigne sa maturité, respecte sa loi de laïcité (1905, tout de même 110 ans cette année). Chacun a le droit dans notre pays d’avoir des convictions religieuses ou de ne pas en avoir. Mais personne n’a le droit d’imposer aux autres sa vision, ses craintes, ses soumissions. Et sans compter, l’influence du lobby des mandarins parlementaires…