Brise marine est un poème écrit en 1865 par Stéphane Mallarmé, qui est officiellement publié un an plus tard dans Le Parnasse Contemporain. Le poète est alors au début de sa carrière et cette œuvre de jeunesse, ou transgresse déjà cette recherche impossible de l’idéal, est fortement influencée par les Fleurs du mal de Charles Baudelaire, que Mallarmé a découvert cinq ans plus tôt. A cette époque, le poète enseigne l’anglais en province et commence tout juste à se lier avec ses pairs du milieu littéraire parisien.

Brise marine

La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature !

Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,
Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots …
Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots !

Stéphane Mallarmé (1842-1898)