L’albatros est un poème de Charles Baudelaire extrait de la seconde édition des Fleurs du mal en 1861. Au même titre que le voyage et l’exotisme, le thème de la mer est récurrent dans l’œuvre de l’artiste puisqu’elle est évoquée dans une quarantaine de poèmes. Selon les spécialistes, Baudelaire a fortement été influencé par un voyage forcé vers les Indes à partir de 1839. A cette époque, le poète n’a pas encore 20 ans et mène une vie de bohème que ses parents jugent en totale opposition avec leurs valeurs bourgeoises. Le jeune homme sera exilé à l’île Maurice et sur l’île de La Réunion jusqu’en 1941.

L’albatros

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

Charles Baudelaire