Clair de Lune est un poème de Victor Hugo écrit en 1828 et que l’on retrouve dans ses célèbres Orientales publiées l’année suivante. Ce poème appartient aux vers de jeunesse de ce mastodonte de la vie politique et littéraire française. Dans Clair de lune, l’écrivain délaisse un temps ses préoccupations sociétales pour composer sur les thèmes de l’art et du voyage. Le poème ouvre la voie vers une œuvre plus mature et plus engagée, comme les Feuilles d’automne, les Voix intérieures ou les Chants du crépuscule.
Clair de lune
La lune était sereine et jouait sur les flots.
La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise,
La sultane regarde, et la mer qui se brise,
Là-bas, d’un flot d’argent brode les noirs îlots.
De ses doigts en vibrant s’échappe la guitare.
Elle écoute… Un bruit sourd frappe les sourds échos.
Est-ce un lourd vaisseau turc qui vient des eaux de Cos,
Battant l’archipel grec de sa rame tartare ?
Sont-ce des cormorans qui plongent tour à tour,
Et coupent l’eau, qui roule en perles sur leur aile ?
Est-ce un djinn qui là-haut siffle d’un voix grêle,
Et jette dans la mer les créneaux de la tour ?
Qui trouble ainsi les flots près du sérail des femmes ?
Ni le noir cormoran, sur la vague bercé,
Ni les pierres du mur, ni le bruit cadencé
Du lourd vaisseau, rampant sur l’onde avec des rames.
Ce sont des sacs pesants, d’où partent des sanglots.
On verrait, en sondant la mer qui les promène,
Se mouvoir dans leurs flancs comme une forme humaine…
La lune était sereine et jouait sur les flots.
Victor Hugo
Les Orientales, 1829.